La science de la statistique et l’art du compromis
Certains leaders politiques français, par ailleurs anciens membres du Parti Socialiste, ont récemment multiplié les déclarations sur les très nombreux votes communs du Parti Socialiste Européen (PSE) et du Parti Populaire européen (PPE) au sein du Parlement européen. On nous affirme, chiffre effrayant, que 97% des décisions seraient prises d’un commun accord par ces deux formations. En bon sympathisant socialiste, il y a de quoi s’alarmer. Quelques jours plus tard, la terrible statistique vient une fois de plus nous faire sursauter, cette fois-ci de la bouche du chef du Nouveau Parti anticapitaliste. Pas besoin de plus pour dérouter le sympathique sympathisant. Mais qu’en est-il vraiment ?
Reprenons ce chiffre. D’où sort-il ? Comme l’a relevé récemment Jean Quatremer dans Libération, il semble que MM. Mélenchon et Besancenot, car il s’agit bien d’eux, soient allés glaner leur chiffre sur le site « l’observatoire de l’Europe », site eurosceptique proche de la mouvance de Philippe de Villiers. On retrouve ce chiffre dans l’étude d’un chercheur suédois, Jan Johansson mené en 2008 sur les 535 votes finaux de textes législatifs européens. Au-delà de l’étrange mélange des genres, il semble que les dirigeants politiques mentionnés n’aient pas vraiment saisi la manière dont les textes législatifs sont adoptés au sein des institutions communautaires, ce qui est fort regrettable lorsqu’on constate qu’ils sont eux-mêmes candidats à des sièges d’eurodéputés…
Citons Pervenche Bérès, présidente de la Commission des Affaires Economiques et Monétaires et membre de la délégation socialiste française que mentionne le même Jean Quatremer : « La négociation européenne, c’est comme une négociation syndicale : on se bat, mais au final il faut conclure un accord tenant compte du rapport de force ». C’est qu’en effet, les textes votés ne tombent pas du ciel in extenso.
Si la Commission qui détient le monopole de l’initiative communautaire a actuellement, au travers de son président, une orientation plutôt libérale, il n’en va pas de même au sein du collège des chefs d’Etats et de gouvernement du Conseil européen qui décide des grandes impulsions à donner à la construction européenne. Il n’en va également pas de même de l’ensemble des gouvernements représentés au sein du Conseil des ministres de l’Union qui examine le texte avant le Parlement et doit généralement trouver une majorité qualifiée, si ce n’est pas l’unanimité pour l’adopter. De ce fait, avant que d’être examiné par le Parlement, les textes ont-ils déjà fait l’objet de débats parfois très vifs et de compromis souvent délicats, dont les formations politiques respectives doivent tenir compte. Et pendant l’examen des textes mêmes, discute-t-on article par article des amendements proposés par les différentes formations. Si on y ajoute le fait qu’aucune de ces dernières ne détient de majorité absolue au sein du Parlement, on comprend alors aisément qu’au final chaque groupe aura plus ou moins intérêt à voter ou refuser le texte selon les amendements qu’ils ont pu introduire.
Logiques institutionnelles, logiques partisanes, logiques compromissoires. Toutes ces données s’entremêlent et raffinent le mode de prise de décision, rendant réductrice une statistique fondé sur le seul vote final des textes. Va-t-on reprocher aux socialistes de jouer le jeu de la démocratie pour obtenir le plus d’avancées sociales concrètes ?
La statistique est une science bien malléable. Les chiffres semblent ne jamais pouvoir mentir et pourtant on leur fait dire ce que l’on veut. Alors, à ceux qui s’indignent de ces 97% de votes finaux « communs », on a envie de souffler qu’une étude très sérieuse de la LES et de l’Université libre de Bruxelles a démontré que si on inclut à notre étude le vote par amendement, on recense 42% de vote commun des communistes avec le PPE… Bonnet blanc et blanc bonnet, vraiment ?
Simon G.
And the dreamers? Ah, the dreamers! They were and they are the true realists, we owe them the best ideas and the foundations of modern Europe(...). The first President of that Commission, Walter Hallstein, a German, said: "The abolition of the nation is the European idea!" - a phrase that dare today's President of the Commission, nor the current German Chancellor would speak out. And yet: this is the truth. Ulrike Guérot & Robert Menasse
terça-feira, junho 02, 2009
In "Sciences Po / PS"
Subscrever:
Enviar feedback (Atom)
Sem comentários:
Enviar um comentário